Le finage de Hadeth est de 1.167 hectares environs divisé en deux parties:

1. Les alentours du village
2. Le domaine de la <<montagne>>.

Celle-ci couvre les premières pentes de la Kadicha au noord-ouest et de la vallée de l'ouest. On en trouve de petites taches sur les paliers du Nord. An sud, elle s'accroche aux flancs de la montagne et atteint la limite supérieure du vignoble vers 1.600 mètres d'altitude.²

Les troi hectares de mûriers qui restent des anciennes étendues consacrées, à cet arbre ne tarderont pas à avoir une autre destinée! Le ver à soie n'est plus rentable, malgré les petites subventions qu'accorde le gouvernement aux éleveurs. D'ailleurs le mûrier est déjà vieux et on ne le renouvelle plus. Tout arbre qui tombe est utilisé à faire du feu ou des instruments agricoles: les jougs de l'attelage, en particulier.

Quelques éleveurs seulement résistent à la tentation d'arracher leurs mûriers. L'habitude qu'ils ont de voir le ver à soie dans leur maison, tous les printemps, est très forte. Les courtiers, qui tirent partie de l'achat des cocons, les encouragent en leur affirmant que les subventions seront plus importantes. Le paysan est crédule.

Les femmes et les jeunes filles continuant à tresser les claies d'osier et à refaire les plateaux de fiente de vache.³ D'ailleurs, si le paysan cessait subitement d'exploiter ses mûriers, il ne saurait quoi faire du terrain, qui, laissé en friche, ferait un trou dans le budget de l'année. On laisse le temps s'écouler sans réagir. Les choses s'arrangent d'elles-mêmes. La vie est faite, pour trois quarts, d'imprévoyance!⁴

Les deux hectares de pommiers, plantés depuis quelques années, ont donné leurs premiers fruits. Les étendues qui seront consacrées à cet arbre, ainsi qu'au cerisier, iront certainement crescendo. Pour le moment, ce ne sont que des essais. L'économie générale du pays et le mouvement des prix y seront pour beaucoup. Nous ne les avons mentionnés que pour avoir une idée de la direction possible de l'économie future du village.

Les étendues consacrées au blé, aux légumineuses et aux plantes fourragères sont pour la plupart des pentes rocailleuses, ravinées par les pluies d'hiver.

La couche arable est de quelques centimètres seulement. Une végétation sauvage concurrence le blé et ses succédanés. Les paysans doivent l'arracher tous les ans, pied par pied, parmi les jeunes pousses. Ils incendient les chaumes apré les moissons pour diminuer les grains et les racines de ces méchantes herbes et sauver les cultures de l'année suivante. Mais ce traitement par le feu ne peut être généralisé car les chaumes doivent être laissés au bétail!

Dans un village qui serait plus riche en terre fertile tous ces versants et pentes seraient abandonnés aux pâturages ou, du moins, ils seraient boisés.

b) - Les domaines de la <<montagne>> sont les plus importants. On y trouve la plus grande partie des terrains et ils sont les plus fertiles. Les cultures en see s'étendent à la périphé, au-dessus du niveau de l'eau d'irrigation.

Les pâturages comprennent quelques collines et pentes rocailleuses et accidentées, sorte de garrigue méditerranéenne où les chèvres et les moutons trouvent leur nourriture, en attendant le chaume qui sera mis à leur disposition après la moisson.

Ces collines, pentes, terrains irrigués on cultivés en sec, se succédent sans ordre: c'est pourquoi, au moment où les champs sont en pousse, on voit une juxtaposition de taches de verdure de toutes nuances et de formes géométriques différentes. Il est rare de pouvoir s'entendre dans une même région pour faire, en même temps, les assolements.

Mais c'est là que se trouvent les parcelles auxquelles les families tiennent le plus. Elles passent dans les héritages de génération à generation. On n'en vend qu'en cas d'extrême nécessité ou pour payer les frais de scolarité d'un étudiant à une faculté.

La disposition est toujours en terrasses. Les murs de soutènement sont plus ou moins hauts, plus ou moins espacés, selon la pente.

¹Les chiffres sont approximatifs, pris de la bouche des villageois.

²Richard Thoumin, dans sa Géographic Humaine de la Syrie Centrale (Lerous, 1935), p. 277, avait indiqué 1,250 mètres d'altitude comme limite des vignoble les plus hauts du Liban et aviat trouvé exceptionnels les vignobles qui montaient jusqu'à 1,490 mètres.

³Ces plateaux sur lesquels sent élevés les vers à soie sont appelés <<tabaq>>. Ils sent ronds, de 75 à 120 cm de diamètre.

⁴Nous relevons, textuellement, la note suivante dans La Mediterranée et le Moyen-Orient, par Pierre Birot et Jean Dresch (Paris, P.U.F. 1956), t. II, p. 390: <<Au Liban, la culture du mûrier et l'élevage des vers à soie furent pratiquées, semble-t-il, dès le VIe siècle, s'y développèrent en fonction de l'activité du commerce méditerranéen de Venise, Pise, Gênes et, surtout à partir du XVIe siècle, de Marseille, enfin, à partir du milieu du XIXe siècle, sous l'influence des filateurs de Lyon installés sur place. Avant la première guerre mondiale, la production de cocons frais s'élevail à 6.200 t. en moyenne. Presque tout le terriloire était producteur, la culture du mûrier s'était répandue par des contrats de mougharsa, et 50.000 familles de petits propriétaires ou de métayers à moitié se consacraient à la culture du mûrier, à la récolte des feuilles deux fois l'an, à l'élevage du ver &grave; soie. A la saison, à partir de mai ou d'avril selon l'attitude, c'était là une occupation constante, surtout pour les femmes. La sériculture a été ainsi pour le Liban la principale source de revenus...Mais ceux de l'éleveur étaient maigres. Les rendements, très variables suivitnt les années, à cause des coups de khamsin, des maladies, étaient toujours médiocres parce que les techniques, n'avaient pas été modernisées. Ils n'ont guère dépassé 30 à 35 kg par once de semence de 25 gr. Or une famille ne disposait pas assez pour élever plus d'une ou deux boîtes d'une once. En outre, l'éleveur passait, pour écouler sa récolte, par des intermédiaires divers qui faisaient les plus gros bénéfices.

<<Très éprouvée par la guerre de 1914-18, la sériculture reprit ensuite, favorisée par la multiplication de filatures équipées. Mais la production de cocons ne retrouva jamais les chiffres antérieurs et s'effondra lors de la crise de 1929. Les mesures priscs après la guerre, en 1945, ne l'ont pas empêchée de tomber à 500 t. et la sériculture ne se maintient que dans les villages les plus écartés et les plus pauvres. Nombre de producteurs ont émigré et introduit en Amérique latine la sériculture et l'industrie de la soie. La soie libanaise ne peut supporter la concurrence de la soie japonaise ni de la soie artificielle.>>